La musique latine aux USA - Partie1
Aux Etats-Unis, la sphère latine c’est tout à la fois le rock de Ritchie Valence, le reggaeton de Daddy Yankee, le mambo de Damazo Perez Prado, la pop-raï de
Shakira, la salsa de Célia Cruz et la Fania All-Stars,ou encore la salsa-pop de Ricky Martin. La musique latine, fusion du jazz et des rythmes afro-cubains, s’est métissée avec le reggae, la
country ou le rock. Elle s’est adaptée à chaque milieu et reflète la diversité de ceux qui la pratique.
Le 16 août 1969, Santana groupe de San Francisco encore inconnu du grand public, devient célèbre du jour au lendemain suite à sa prestation au festival de Woodstock. Il propose un mélange de
rock, de blues et de percussions afro-cubaines. Ce son original est le fruit d’un long cheminement commencé au début de l’année 1930.
Les années 1930
Quatre ans après son premier séjour, Mario Bauza débarque à New-York. Clarinettiste de formation classique, amoureux du jazz, il est bien décidé à se faire une place au sein des musiciens de la vague naissante du big band.
Alors qu’à Cuba la couleur sombre de sa peau lui enlève tout espoir de consécration, Harlem quartier noir de New-York, là ou tous les grands musiciens se produisent, lui offre la possibilité de s’exprimer librement. Il rencontre Antonio Machin chanteur cubain qui l'oblige à apprendre à jouer de la trompette pour l'accompagner. Machin est l'homme qui introduit la musique cubaine aux Etats-Unis avec la chanson "El Manisero". Vendue à plus d'un million d'exemplaires elle lance la mode de "la rumba". Les danseurs envahissent les salles de bal.
En 1933 on retrouve Mario Bauza au Savoy, un des hauts lieux du jazz, dans l'orchestre de Cheek Web roi du swing de Harlem. Ce dernier le prend sous son aile et lui
enseigne ce qu'il appelle, le vocabulaire du jazz, pour l'aider à mieux swinguer.En 1939 il atterrit dans l'orchestre de Cab Calloway ou une remarque déplacée d'un musicien à l'encontre de la
musique cubaine décide de son évolution musicale. Son beau-frère "Machito", chanteur et joueur de maracas qu'il fait venir de Cuba l'aide à créer un nouveau groupe: "Machito and his Afro Cuban".
Ils inventent ainsi un style totalement inédit: la fusion entre un big band de jazz et des rythmes afro-cubains. Le groupe a un public tout trouvé en la personne des trente
mille portoricains installés à New-York, dans le quartier de Spanish Harlem. Machito et ses Afro Cubains créent une passerelle entre deux mondes en gagnant aussi un public chez les blancs du
centre de Manathan qui trouvent une musique pour danser et qui swingue terriblement.
Les années 1940.
A new York dans les années 1940 le jazz est à son apogée et Dizzie Gillespie, inventeur du Bebop, se met à étudier la musique cubaine .Une nouvelle
génération
de musiciens cubains vient tenter sa chance à New York. Parmi eux quelques joueurs de congas qui vont exercer une influence déterminante sur la musique populaire de l'époque.
Dizzie qui devait jouer au prestigieux Carnegie Hall demande à Mario Bauza de lui trouver un joueur de congas.
Arrive alors un phénomène appelé Chano Pozo lequel dit Gillespie: "pouvait jouer des congas sur un rythme, chanter sur un autre et danser sur un troisième tout à la fois".
Avec Dizzie, Chano enregistre "Manteca" dans lequel il exécute un solo que plus de mille percussionnistes ont essayé d'égaler. Pour beaucoup ce morceau est le plus représentatif ce qu'est le jazz
afro-cubain.
A partir de cette époque, on peut apprécier une interaction permanente entre le jazz et la musique cubaine.
Les années 1950
C'est dès 1937que les frères Oreste et Ismaël "Cachao" Lopez imposent un nouveau style de "Danzon", appelé "Mambo", aux rythmes très syncopés
mais, c'est en 1948 que le pianiste cubain Damazo Perez Prado, installé au Mexique, va populariser ce genre grâce aux composantes suivantes: mélange de musique cubaine et
jazz, apparition de la Haute Fidélité, banalisation des disques.
Au milieu des années 1950, les groupes de musiques latines prennent les meilleurs musiciens de l'époque et obtiennent beaucoup de succès. Le Palladium, ancienne école de danse devenue le temple
du mambo, accueille les meilleurs orchestres cubains et portoricains du moment, ceux de Machito, Tito Rodriguez ou encore Tito Puente. Les soirées Mamboscope du mercredi ou Frank "Killer
Joe" Piro donnait un cours de 20 à 21h, attiraient les gens de toute religion et de toute couleur de peau; on les surnommaient les "mambomaniaques". Tous se retrouvaient sur la
piste de danse lieu privilégié de leur coexistence pacifique, et dansaient sur les succès du moment : "Mambo n°8", "Que rico el mambo", "Cherry pink and apple blossom white".
Et cela a été le début d'une intégration authentique à New-York. Les vedettes de cinéma commencent à fréquenter l'endroit tel Marlon Brando qui venait faire le boeuf aux congas.
Le Palladium devient le rendez-vous de la jeunesse branchée. Les meilleurs danseurs deviendront professionnels et Millie Doney et Pédro cuban pete Aguilar ou
Augustin Rodriguez et margo Bartholomey donnent le ton. Ils allaient tous les jours dans des cours de danse et le soir ils intégraient dans leur prestation ce qu'ils avaient appris. Le mambo
dansé évolue avec le temps, au fil des collaborations avec les musiciens et des figures inventées (Scalop, Suzie Q, Tap and toe…).
Alors que la folie du mambo commence à s'estomper, Le cha-cha-cha apparaît au début des années 1950 à la Havane, sous la houlette du violoniste Enrique Jorrin qui jouait dans un orchestre de
danzones.
Il avait remarqué que le mambo très syncopé était parfois difficile pour certains danseurs,il en ralentit donc le tempo. La "Enganadora" eut un énorme succès en 1953 et le cha-cha-cha
envahit new-York en 1954 vec "Cerezo rosa", l’adaptation par Perez Prado de la chanson française « Cerisiers blancs et pommiers rouge » .
Plus accessible aux débutants que le mambo, le cha-cha-cha va faire connaître la musique latino à un plus large public, grâce notamment à une nouvelle émission de télé animée par un chanteur et
chef d'orchestre cubain Daisy Arnaz et sa femme Lucille.
Les années 1960.
Mais l'idylle entre les Etats-Unis et la culture latino n'allait pas survivre à la fin des années 50. Plusieurs facteurs en sont la cause:
- la prise de pouvoir à Cuba de Fidel Castro qui coupe la source même de cette musique fermant ainsi les portes psychologiquement et politiquement aux Etats-Unis. La musique latino devient
soudain la musique de la révolution cubaine et des communistes,
- l'arrivée des Beatles à partir du milieu des années 60.
Au début des années 1960, le mambo et le cha-cha-cha vont être détrônés par la Pachanga, danse cubaine issue d'une chanson créée par Eduardo Davidson. La pachanga est rendu populaire à New York
par le flûtiste dominicain Johnny Pacheco chef d'orchestre d'une charanga, orchestre de musiques latines composé notamment de violons et d'une flûte (certains ont alors pensé que le nom venait de
Pacheco + charanga = pachanga).
Parallèlement alors que dans le reste des Etats-Unis le rock'n roll représenté par Elvis Presley est entrain de s'essouffler, Les Beatles et les Roling Stones donnent naissance à la musique
pop-rock. Les musiciens latins crurent que c'était encore une nouvelle mode passagère.
Toutefois, l'influence de la musique latino sur la pop-rock demeure fondamentale car les premiers tubes sont l'œuvre de compositeurs et de producteurs new-yorkais dont beaucoup sont d'anciens
mambomaniaques.
La preuve en est avec : "Satisfaction" des Rolling Stones dont le rythme est emprunté au cha-cha-cha, "Day Tripper" des Beatles qui rappelle étrangement un disque de Machito des années 40,
"Caramélos" succès cubain de 1960 et "Good Lovin" des Young Rascals ou encore "Louis Louis" des Kings men, inspiré d'un cha-cha-cha composé par le cubain René Touzet.
A partir de l'année 1966, le boogaloo qui côtoie dès 1963 avec "El Watusi" de Ray Barreto , le puissant rock blanc et l'imposant soul noir et qui fusionne, gospel, blues, rock et
rythmes afro-cubains devient le rythme incontournable. C'est l'époque où, imposer une danse ou implanter une chorégraphie était prioritaire sur la musique. En 1967, "Bang Bang" de Joe Cuba
fut vendu à un million d'exemplaire et tous les musiciens latino-américains se mirent à enregistrer du boogaloo.
Les sonorités latinos disparaissent dans le sillon du rock mais pas pour longtemps car arrive alors un jeune mexicain, Carlos
Santana, qui leur redonnera vie avec son groupe de blues-rock. Au début des années 60.
Carlos ,installé à San Francisco se prend de passion pour le blues. Il crée un groupe qui va évoluer au fur et à mesure des musiciens qui le compose, chacun apportant ses ingrédients personnels
(introduction de congas et de timbales).
Le groupe trouve son équilibre en 1969 en jouant des lignes blues à la guitare accompagnée de percussions qui apportent une dimension rythmique latino. Bill Graham, producteur incontournable de
l'époque, prend le groupe sous son aile et le programme dans un festival alors que personne ne le connaît. La sortie du film du festival, "Woodstock" fait entrer Santana dans la légende et les
latinos des Etats-Unis ont enfin leur première grande star de la pop lequel popularisera la chanson "Oye como va" créée par Tito Puente.
Or, de Cuba à Woodstock, en passant par Harlem, le grand voyage de la musique latino ne fait pourtant que commencer.
Sources: Guide essentiel de la salsa (J.M Gomez) - Danses latines, Isabelle Lemayrie, mambo et
cha-cha-cha. Arte musique latine aux USA.